Mathieu Roquigny est un « collectionneur » du quotidien. Armé d’humour et d’absurdité l’artiste s’intéresse au temps qui passe, au jeu et au détournement d’objets. A travers un univers marqué par une grande diversité il s’essaye à travers de nombreux médiums et matériaux à aborder la réalité et l’ordinaire sous un autre angle. Basé sur Paris, l’artiste étudie à St Luc à Bruxelles qu’il décrit comme l’endroit où ses « yeux se sont vraiment ouverts. »
Son but : « qu’on offre un peu plus de sérieux au sourire ». Un projet réjouissant pour un photographe de talent – à découvrir !
Elina Tarade
>> Retrouvez le travail de Mathieu Roquigny <<
au Festival Circulations 2016 au Centquatre Paris
© Mathieu Roquigny – Culloden
Un peu perdu dans le choix des études supérieures, je suis d’abord passé par la fac de droit pendant deux années. Un échec. Mon père reprenait à juste titre Coluche en me disant « un an de droit et tout le reste de travers »… Je suis ensuite parti à Saint Luc Tournai en Belgique, école d’art où je me suis spécialisé en photographie. Ces années d’études furent vraiment folles, à tout point de vue. Un vrai bouillon artistique où l’effervescence, l’émulation de travail et l’inspiration ne nous lâchaient pas. J’avais appris enfant les rudiments de la technique photo auprès de mon grand-père, mais c’est vraiment à Saint Luc que mes yeux se sont ouverts.


© Mathieu Roquigny – Culloden

© Mathieu Roquigny – Culloden
Qu’est-ce que l’humour et jeux visuels vous permettent-t-ils d’exprimer ?
La plupart des artistes créent par nécessité, par envie, par besoin primaire. L’absurdité et l’humour sont des composants qui permettent dans mon travail d’avoir une écriture efficace et spontanée. Le sourire est comme un point de départ, il est fédérateur et nous met en confiance, ce qui me permet d’aborder des questionnements plus profonds.
© Mathieu Roquigny – Blackout
En parallèle à la photographie, je travaille depuis quelques années sur d’autres pratiques artistiques. Cette multiplicité des médiums me permet de trouver un bon équilibre et une certaine cohérence, les projets s’emboîtent d’eux mêmes et me permettent constamment de remettre en question ou d’affirmer ce que je fais.


© Mathieu Roquigny – Blackout
Sont-t-elles à l’image de la personnalité de leur créateur ?
La série People est la genèse de mon travail artistique. Ces photographies sont le fruit de la rencontre et d’une envie partagée de fantasmer la réalité. Cette série avait débuté pendant mes études et c’est elle qui m’a fait venir à Paris pour la poursuivre. J’étais fasciné par l’image qu’on pouvait prêter aux personnes de petite taille et ces mises en scène étaient un prétexte pour aller à leur rencontre. Ensuite, c’est une vraie collaboration et mise en confiance mutuelle qui s’est opérée avant de pouvoir réaliser ces images. J’ai tissé des liens très forts avec certains. Finalement, le résultat de cette série est bien moins intéressant que son élaboration et les relations que j’ai pu tisser.



© Mathieu Roquigny – People

© Mathieu Roquigny – People
Quelle est l’origine de votre énergie créatrice ?
J’aime me dire que tout peut avoir une seconde lecture et que les choses ne sont pas ancrées dans l’utilité qu’on leur a donnée. Cette forme de fausse naïveté me pousse à faire des liens improbables mais qui ensuite me semblent être évident, c’est assez jubilatoire de pouvoir orchestrer tout ça.
Plus personnellement, le temps qui passe et le fait de vieillir me questionne sans cesse. J’ai du mal à assimiler qu’il y a eu un début mais qu’il y aura surtout une fin… C’est peut être pourquoi je me réfugie inconsciemment dans un univers propre à l’absurde et à l’humour. Parce que le jour où tout s’arrêtera, je préfère que ça se finisse avec des projets me donnant le sourire aux lèvres.

© Mathieu Roquigny – Maison Close
Que souhaitez-vous transmettre au public ?
De part les sujets traités ou les matériaux que j’utilise, n’importe qui a déjà les clés pour rentrer dans mon univers car je ne fais au final que témoigner de ce qui nous entoure.
Mais principalement j’aimerais bien qu’on offre un peu plus de sérieux au sourire !

Quel est votre mode opératoire ?
La photographie m’accompagne au quotidien. Depuis 9 ans, je fais une photo tout les jours à 16h (projet 4pm. Sans but esthétique, seulement pour documenter l’endroit où je me trouve ou bien ce que je fais. Nous étions 4 sur ce projet, je suis malheureusement le dernier à le continuer… En parallèle à 4pm, je prenais énormément de photos de tout ce qui m’entourais, de mes proches… J’ai décidé de les réunir sur une site web et c’est dans ce flot d’images à trier que je me suis aperçu souvent photographier les mêmes choses, les mêmes petits rien : wc, cendars, jambes de femmes, vélos abandonnés, gens qui mangent, etc…
Ce site Diary est devenu une sorte de journal de bord où sont ritualisées toutes ces collections de photos prises au jour le jour. Toutes ces images restent vraiment anecdotiques mais y trouvent au nombre de la collection beaucoup plus de légitimité. C’est le but premier d’une collection d’ailleurs, quelle qu’elle soit. C’est finalement la quantité qui donne de l’importance au tout.
De la même manière, je poursuis d’autres collections telles que les sacs à vomi d’avion, les listes de courses, les flyers de marabouts, etc… La collection me rassure en un sens, elle me permet de me sentir maitre du temps et devient un témoignage de la mémoire.


© Mathieu Roquigny – Bistouquettes
Comment votre travail a-t-il évolué depuis vos débuts ?
L’évolution de mon travail va dans ce sens aujourd’hui. Après un bref élan dans le milieu de la mode et de la pub avec une esthétique bien léchée et construite, je me sens plus en accord dans une démarche spontanée et frontale.
© Mathieu Roquigny – série A8
Avez-vous vu ressenti un avant-après suite à ces récompenses ?
Cette « reconnaissance » me donne juste l’envie de persister. Et finalement, c’est très gratifiant de m’apercevoir que mon travail parle aussi bien aux quidams et aux enfants qu’aux personnes du monde de l’art. Je me dis que ma démarche est comprise de tous et qu’elle n’est pas seulement réservée à une élite. Quand les enfants m’ont remis le prix Kristal au Salon de Montrouge, j’ai pensé très fort : « La vérité sort toujours de la bouche des enfants » !!

© Mathieu Roquigny – Blackout
Comment appréhendez-vous cette nouvelle expérience ?
En tout cas, j’ai vraiment hâte d’y être. L’équipe Fét’art organisant Circulations est vraiment toppissime! Se retrouver au 104 dans ce festival sur la jeune photographie européenne est une vraie chance et un réel retour à mes premiers amours.
© Mathieu Roquigny – Abracadabra