mars > mai 2013

ALL THIS HERE, Tout est là / Pavillon du Carré Baudouin / Paris

Capture d’écran 2016-07-11 à 11.01.27

«Ce qu’il s’agit d’interroger, c’est la brique, le béton, le verre, nos manières de table, nos ustensiles, nos outils, nos emplois du temps, nos rythmes. Interroger ce qui semble avoir cessé à jamais de nous étonner. » (Georges. PEREC L’infra-ordinaire)

Le jeu, le détournement d’objets mais surtout l’instinct de collectionneur s’avèrent être une constante de le travail de Mathieu Roquigny. Il pénètre un champ performatif, où sa vie consiste à sauver des signes de la rue, de son environnement immédiat, dans une tentative de classification absurde.
En 2011, Mathieu Roquigny se lance pour la première fois dans une pratique du volume, avec sa série des Bubble Concrete, un travail qui ne cherche pas à rompre avec son univers visuel mais qui au contraire, tend à approfondir une démarche où hasard, quotidien et humour entrent en interaction.
De son insatiable besoin de photographier tout et tout le temps, il en est venu à collecter de véritables fragments de villes, de l’asphalte usagé arraché pour les besoins de réfection de la voirie et qui sans son intervention, seraient enfin broyés, toute histoire annihilée. Car c’est définitivement ce qui retient l’attention de Mathieu Roquigny. Porter au mur et non plus au sol, cet enregistrement de millier de pas, cet infinitésimal de traces microscopique résultantes de nos habitudes. Porter enfin au regard l’histoire d’un site, qu’il s’agisse d’une sortie de bureaux, d’un arrêt de bus, du porche d’un lycée… Sur ces tranches de vie, vulgaires bitumes portés aux nues, il tend ses chewing-gums de toutes les couleurs qu’il aura préalablement minutieusement mastiqués. Ce travail à partir de matériaux alimentaires est assurément dans la lignée de celui initié par Michel Blazy, déployant une même simplicité, un même intérêt pour la transformation, une même ironie aussi.

Le duo béton / chewing-gum dont l’artiste souligne l’évidence, per- met un éventail de combinaisons minutieuses, de tableaux abstraits en petits pois, en étoile, en stalactites, en stries. Il est encore une fois l’occasion de renouer avec l’esprit du jeu, l’enfantillage des bonbons certes, celui des mots aussi où il faut souligner le choix des titres comme autant d’indices à la compréhension de l’œuvre, mais également cette dérision propre à l’OuLiPo, d’une construction tournée vers l’ordinaire, qui se veut profondément humble, accessible et légère. L’art pourrait-il se résumer à former une bulle ou être tenter de l’éclater ? Cette impression de créer tout en passant le temps, en s’arrêtant sur des fragments de l’éphémère et du banal, en dégageant une insatiable impression de fragilité et étrangement, d’attirante et de joyeuse beauté, font en conclusion toute la richesse et l’originalité de l’œuvre de cet artiste.

Pauline Guelaud

 

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